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C’est le Girardet du troisième millénaire. Un chef destiné à guider la gastronomie suisse; à condition que le pays
helvétique compte jouer un rôle d’avant-garde sur la scène internationale. Tel est son grand défi : faire triompher
la révolution culinaire dans un contexte éminemment bourgeois qui prétend tout au plus à une évolution paisible
centrée sur le perfectionnisme professionnel. Sera-t-il capable de prendre les rênes de cette cause si humble et ardue?
Cuisine techno, show, et bien d’autres choses, comme il faut s’y attendre de la part de l’un des meilleurs cuisiniers
du monde.
On peut dire que Denis Martin est un adepte d’Adrià ; c’est un fait. De Blumenthal, aussi, et de toutes les techniques
d’avant-garde qui permettent de rehausser la cuisine et de la transformer en spectacle. Toutes, ou presque, sont mises en
pratique avec une perspicacité suprême et une dextérité inusuelle. C’est ce qui distingue Denis des nombreux chefs voués au
succès, ainsi que son intelligence proverbiale. Une application menée avec une rigueur et une infaillibilité exaspérantes. Le
tout reposant sur des matières premières imbattables, d’un goût sublime et d’une imagination débordante. Petit à petit, le
convive savoure un rêve galactique duquel il aimerait ne jamais se réveiller. Quand il revient à lui, tout ému, il ne demande
qu’à revivre les moments magiques d’un chef qu’il ne sait où situer, entre la réalité ou la fiction.
Martin est-il un génie ? Il devra le prouver en créant un style qui lui est propre. Dans l’immédiat, tel est son défi.
Reste à voir s’il saura le relever. Ce qui est sûr, c’est qu’il a du génie – et pas un peu –, un génie qui imprègne les 15 mets
repris au sein de son menu de dégustation de haut vol. Des folies acrobatiques telles que l’œuf à la coque à - 196º C, dont le
jaune est d’une texture insolite, présenté avec une cigarette aux épices, un biscuit exotique sybaritique que l’on savoure en
faisant des bouffées de fumée. Des délices éminents tels que les gambas, d’une qualité et d’une fraîcheur dignes d’un 10/10,
crues et chaudes, regorgeant de caractère et de subtilité : gingembre, purée de cacahuètes et huile de coriandre. Les rougets
sur aubergines proposés avec un cube de bière et un spray au lard, pulvérisé sous le regard du convive, leur conférant des
saveurs rustiques, ont tout pour plaire: matière première unique, point de cuisson solennel, fantaisie rayonnante, un monde
de contrastes… un véritable chef d’œuvre. Le foie gras de canard assorti de sa galette au sel et citron ainsi que d’un sorbet
à la rhubarbe constitue une autre démonstration de délectation accompagnée de sensations fortes incroyablement équilibrées.
Comment peut-on courir autant de risques et s’en sortir toujours avec autant d’élégance? Lorsque l’on goûte le rouleau de
printemps liquide aux litchis et au soja, on ressent la fougue irrépressible de la nature, qui offre le meilleur d’elle-même,
sous les auspices d’un Dieu de l’alchimie culinaire. Un miracle? Science ou fiction? Quoi qu’il en soit, au fil du festin, le
convive est voué, tôt ou tard, à perdre la raison. Et il doit jouer le jeu dès qu’il franchit la porte du Château de
l’Expérimentation. Le bar à l’huile de persil et pastille de vinaigre représente une autre merveille gustative ; de même que le
pigeonneau, de 500 grammes, d’une cuisson divine, rehaussé de café aux pistaches, curry et compote aux figues. Trève d’explications.
L’heure est venue de passer à table et de vivre ces émotions. Gastronomes fous du monde, Denis Martin vous attend!
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Rouleau de printemps liquide, litchis et soja
Œuf à la coque à -196º C et cigarette d’épices
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